Une requête particulière

Messages : 250 Points : 318 Réputation : 4 Date d'inscription : 19/05/2009

Assise sur un banc la jeune Kennedy attendait. Plus tôt dans la journée elle avait demandé une entrevue au baron, il lui avait concédé mais dans l'après midi, trop occupé avant.
Point d'heure de définie, elle attendrait, Antoine sachant où elle était si Guidel la cherchait, la cause en valait la peine.

Elle restait là, assise, réfléchissant à la formulation de cette requête qui lui tenait tant à coeur.
Elle y avait réfléchi après cette sale histoire de filiation, posant un instant sa vie devant elle afin de décider enfin des aboutissements.
Il faut dire que depuis son retour elle se laissait vivre, ayant pris pour seule responsabilité sa charge d'ambassadeur.
Mais les mois passaient et elle savait qu'elle ne pourrait rester ainsi longtemps, il lui fallait prendre quelques décisions, affirmer ses choix et enfin devenir...

Messages : 26 Points : 41 Réputation : 3 Date d'inscription : 17/09/2009

Il s'étira, baissa à nouveau les yeux sur les traités diplomatiques et politiques scellés, puis se leva. Il n'y tenait plus, il lui fallait se détendre quelque peu, prendre l'air et quitter sa laborieuse solitude.
Appolline... Oui, il était temps d'aller la voir et d'écouter ce qu'elle avait à lui dire. Guidel passa la main sur son visage avant de quitter la pièce, et de la verrouiller à clé.

Il descendit les escaliers et sortit dans les jardins, où la jeune fille était sensée l'attendre. Qu'attendait-elle de lui? Serait-il en mesure de lui offrir ce qu'elle souhaitait? Ne risquait-il pas au contraire de la décevoir?

Un peu anxieux, car il savait le respect, voire la vénération que la jeune fille lui portait, il se présenta aux jardins de Grignan et la trouva assise sur un banc.

Tu as demandé à me voir, Appolline?

Messages : 250 Points : 318 Réputation : 4 Date d'inscription : 19/05/2009

Elle ne l'avait ni vu ni entendu, perdue en ses pensées, ses formulations et c'est avec un léger sursaut qu'elle l'accueillit donc.
Tu as demandé à me voir, Appolline?
Elle lui sourit en se levant du banc, s'inclinant avant de le remercier d'être venu.
Merci d'avoir pris de vostre temps pour moi baron.
De nouveau ce sourire, habituel lorsqu'elle s'adressait à Guidel. Bien sur elle l'appelait toujours baron, ce qui pouvait paraistre étrange à certains, mais comment l'appeler? Guidel aurait été déplacé, après tout il était son beau père, pas n'importe qui. En pension on leur avait seriné l'importance du choix des mots, ne jamais, même dans le pire des cas, nommer par son prénom un de ses parents, sauf si bien sur le titre suivait avant le prénom.

Elle resta debout le temps que lui même s'asseye, en profitant pour l'observer, il avait bonne mine ce qui la rassura.
Après Akron il y avait eu Guidel, toujours attentif à la petite malgré cette réserve, comme s'il avait peur de parfois prendre trop grande place, alors que la petite ne l'avait attendu pour lui offrir cette dite place en son coeur.

Enfin elle s'installa sur le banc à son tour, se forçant à voir le baron en face d'elle et non son beau père, car c'est avant tout au noble qu'elle souhaitait parler ce jour.
Je voulais en effet vous voir, j'ai une requête...Enfin une requête...Pas vraiment..
Les mots tournaient et retournaient en sa tête afin de les disposer au mieux dans une phrase.

Maman vous a peut estre dit que je n'étais plus ambassadrice...Même là bas on s'est permis de me rappeler ma filiation, pourtant je pensais qu'en ce domaine...Enfin passons...Elle soupira, n'arrivant pas encore à digérer cette histoire.
J'ai perdu ma première fonction et depuis je me demande ce que je pourrai faire pour devenir, pour faire oublier cette filiation..
J'aime beaucoup maman, il ne me reste plus qu'elle, mais je ne supporte plus cette éternelle comparaison comme si je ne pouvais estre quelqu'un à part entière juste parce que je suis sa fille et qu'elle est grande dame.

Pendant un moment je me suis dit que quitter le duché était la seule solution à un devenir mais Pathan m'a fait comprendre que je me trompais, ma vie est ici, en ces terres qui m'ont vues naitre.
Je vais surement retourner vivre à Briançon, prendre un peu mon envol. Là haut je n'aurais droit à ces remarques déplacées, je pourrai au fil du temps m'épanouir...
Elle tourna ses grands yeux bleus vers lui. Les adultes comprenaient ils sa déroute? Surement pas. Ils étaient devenus avant d'être eux, ne pouvaient donc imaginer. Et elle ne pouvait non plus se plaindre, les biens, les chateaux, elle ne manquait de rien, sauf de sa propre identité.

C'est donc au suzerain de La Salle que j'ai requête à porter.
Je me propose à vous pour le poste d'intendante de La Salle si vous le permettiez...

Messages : 26 Points : 41 Réputation : 3 Date d'inscription : 17/09/2009

Guidel fut extrêmement surpris de la demande de la jeune fille, si bien que cela le prit au dépourvu. Longue inspiration et soupir tout aussi long, il s'assit et posant la main à côté de lui pour l'inviter à s'asseoir, il ajouta, la voix légèrement enrouée.

Assieds-toi Appolline, je te prie.

Il soupira à nouveau, regardant au loin, ce voile de tristesse dans les yeux... L'hisoire ne devait pas se répéter... Comment pouvait-elle savoir? Aurait-elle pu connaître ses pensées en voyant ses yeux? Il se racla la gorge puis laissa encore plâner un instant de silence. Elle méritait mieux, la petite. Il l'aurait même reconnue comme sa propre enfant s'il l'avait pu... Et elle, elle lui demandait à assurer l'intendance de La Salle... Brave petite. Laissant son regard porté au loin, il lui répondit.

Si c'est vraiment ce que tu souhaite, Appolline, je te l'accorde... Tu peux même assurer également l'intendance de Mont-Dauphin si tu le souhaites. Les deux fiefs sont, pour le montagnard que je suis au fond du coeur, les plus beaux du Dauphiné.

Il se tut, rouvrit la bouche, la referma, puis reprit.

Appolline...

Il se tourna vers elle, le regard à la fois grave et triste, avant de continuer.

Jusqu'à présent, j'ai toujours nié connaître mes origines, mais en vérité, je ne les sais que trop bien... Je suis né d'un père noble et d'une mère roturière, c'est aussi simple que cela, je suis un bâtard, depuis le jour de ma naissance...

Il s'interrompit, ravala sa salive avant de continuer, se rasseyant et regardant à nouveau dans le lointain.

Lorsque j'étais jeune, on ne m'a pas donné le choix de l'avenir que j'aurais. J'ai été éduqué et préparé à devenir prêtre, mon père achetant par ce biais son paradis, consacrant son premier fils, fut-il bâtard, à Aristote.

Alors, non parceque ma piété n'était pas suffisante mais parceque je savais que tel n'était pas mon avenir, dès que je l'ai pu, j'ai fui, laissant tout derrière moi pour mener ma propre vie... Jusqu'à arriver à Briançon.

Et à Briançon, je me suis trouvé une nouvelle famille, de nouveaux frères, Argael, Akron, Pao...

Il la contempla une fois encore, cette jeune fille pleine de vie qui souhaitait goûter la vie à pleine dent.

Je te dis tout cela parceque... Je veux que tu fasses ce dont tu as envie, Appolline... Je ne te pousserai jamais à prendre la vie que j'ai été contraint de choisir. Tu peux me demander tout ce que tu veux, tu sais...

Alors, si tu veux être l'intendante de mes terres, je te l'accorde avec grande joie... Mais j'ai peur que tu ne t'ennuyes là-bas, et je pense que tu mérites mieux que cela...

Messages : 250 Points : 318 Réputation : 4 Date d'inscription : 19/05/2009

Elle l'observe tandis qu'il lui parle. Un instant elle croit décerner un changement dans ses yeux, comme une peine. Etrange changement qu'elle ne comprend pas. En fait, elle n'arrive pas vraiment à comprendre Guidel. Parfois il la regarde avec des yeux de père, parfois avec des yeux d'inconnu.
Difficile pour elle de savoir ce qu'il en est, n'osant poser de questions de peur d'être déplacée.

Je te dis tout cela parceque... Je veux que tu fasses ce dont tu as envie, Appolline... Je ne te pousserai jamais à prendre la vie que j'ai été contraint de choisir. Tu peux me demander tout ce que tu veux, tu sais...

Alors, si tu veux être l'intendante de mes terres, je te l'accorde avec grande joie... Mais j'ai peur que tu ne t'ennuyes là-bas, et je pense que tu mérites mieux que cela...
Elle lui sourit, il s'inquiète et pourtant il ne devrait. La jeune blonde se contente d'apprendre la vie, comme elle le peut.

Vous avez surement raison, parfois je m'ennuierai...Comme chacun s'ennuie à sa tâche un jour je pense.
Malgré tout, en ce poste, je remplis deux de mes objectifs principaux.
Le premier, en gérant un domaine on ne peut qu'apprendre. On me parle d'investissement en mairie, au duché...Mais comment gérer ainsi une ville si on ne peut gérer un domaine? Je pars du bas, pour peut être un jour accéder à l'étage du dessus...
Le jour où je déciderai de m'investir à grande échelle, c'est que je m'en saurai capable et pas là par hasard...
Vos gens vont me faire grandir...
Elle pense à l'instant, peut être aussi grossir. Elle ne sait pas pourquoi, mais lors de ses visites aux paysans de Grignan ou de La Salle, ils veulent tous la faire manger. Un coup trop pâle, un coup trop maigre.

Et puis...
Elle le regarde et sourit.
C'est à vous que je demande, j'aurais pu à maman ou Pathan...
Mais c'est à vous ainsi que je propose mon temps et mes capacités. Vous pouvez y voir baron un remerciement ou je ne sais quoi.
C'est un peu plus que cela...

Oui un peu plus, mais elle n'en dira mot, ne serait ce que pour éviter de le voir encore inquiet.
En tous les cas soyez assuré que vos domaines resteront les plus beaux du lyonnais dauphiné, j'y veillerai.
Mais je ne vais point ainsi vous retarder, je sais bien à quel point vostre temps est précieux, je vous remercie de m'en avoir accordé.
Un énième sourire à cet homme, parrain, beau père et maintenant patron.
Ah par contre, si mon travail ne s'avérait satisfaisant, traitez moi comme quelconque intendant, pas comme vostre filleule ou vostre belle-fille, c'est tout ce que je vous demande...

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