Un fardeau trop lourd...

[Et la louve de faire son nid.... ]


Durant les jours précédents le fatidique, l'Etoile avait l'esprit préoccupé par des sentiments qui venaient la hanter la nuit l'emperchant de dormir et ainsi se reposer comme il aurait fallu.
Aussi la nuit pouvait on voir une lumière évoluer vers une pièce de l'hostel de MontDauphin, parcourant les couloirs et les escaliers et se posant derrière une fenêtre, qui elle laissait passer une ombre se mouvant à grands gestes.
L'Etoile avait trouvé une pièce en la Demeure de Guidel, pas très loin de leur chambre, et elle passait son temps à déplacer malles et autres meubles afin de préparer une jolie chambre pour son enfant à venir.

Elle n'avait pas presté attention aux différents signes de fatigue qui venaient à elle et se rendait au petit jour aux Compagnies Nobiliaires puis au Conseil de Guerre afin d'y travailler.


[Mélancolie en taverne n'est point ....]

Taverne de Lyon la Rugissante, elle y trouve ses amis. Une tisane en appelant une autre, elle avait fait preuve de sagesse en ne s'adonnant pas à son pêcher mignon: le vin .
Calée comme à son habitude contre le mur, l'Etoile se sentait mal, son ventre la tiraillant par moment.
Trop d'exercices, elle en avait des courbatures dans les muscles déjà mis à mal par ses 6 mois de grossesse.
Et doucement, elle massait le lieu où son enfant se formait, laissant aller les conversations sur le voyage prochain de sa fille mais aussi la venue probable de son neveu.
Mais elle n'arrivait pas à trouver le sourire, son sourire habituel. Un sentiment étrange, alimenté plus encore par les commentaires du Vicomte de Montluel et de sa soeur, ainsi que ceux de Ald...
Oui elle allait les écouter... il lui fallait du repos sans doute .
Et doucement, elle s'enroula de sa cape non sans avoir dissipé les craintes de ses amis.
Ce n'est qu'après avoir franchi le seuil de la taverne que la tête lui tourna . Sensation d'appel du vide, vertigineux, le paysage ne lui semble pas dénué de ...courbes qu'elle n'arrive point trop à saisir ni à fixer.
Etrange sensation que celle d'une femme prise par la fièvre et qui ne pense plus qu'à une seule chose : rentrer auprès des siens , en sécurité.
Une main posée sur un pan de mur, elle s'attelle à avancer, posant une main sous son ventre, fermant les yeux lorsque celui ci durcit mal à propos.
Non cela ne peut être ça! j'ai fait bien pire lorsque j'attendais Appolline !
Elle titube, ses jambes se font de chiffons par moment et elle serre les dents l'Etoile. Elle a envie de crier son nom, de le hurler afin qu'IL vienne la chercher, la trouver.
Mais elle serre d'autant plus les dents afin de parvenir à Sa Demeure.
Esprit flou, ses jambes se dérobent dans une ruelle, et elle s'affaisse lourdement.
Sa tête vient cogner le pavé, ses cheveux blonds s'étalent dans la boue que la pluie a fait naitre sous ses gouttes et voulant protéger son ventre, son coude prend de plein fouet la terre sous un craquement sinistre.
Inconsciente, les joues en feu, elle reste là...

[ La délivrance...]


La femme aurait voulu crier mais elle ne pouvait point.... non mais elle sentit, elle sentit quelqu'un. Elle sentit qu'on la déplaçait avec rage.
Elle sentait qu'on la tirait sans ménagement aucun.
Mais bientôt une odeur particulière et familière lui vint, comme un nuage cotonneux venant l'entourer de ses bras et la protégeant .
Ce devait être Lui à n'en pas douter.... mais pas de boitement.
Et elle murmura son nom, dans un délire qui commençait à prendre les formes de ses craintes les plus noires.

Sans même s'en rendre compte elle s'était endormie et avait passé la nuit auprès d'Antlia, le sommeil lourd mais beaucoup moins agité que celui de l'Etoile. Ce fut d'ailleurs son agitation qui la réveilla, et le fait qu'elle avait failli tomber en bas du lit, aussi. Alors qu'elle ouvrait les yeux, elle se rendit compte que le matin avait déjà commencé depuis un moment, les rayons du soleil emplissait la pièce, ainsi donc la lumière avait pris la place des ténèbres et de la pluie. Elle se leva et se tourna vers Antlia...toujours inconsciente, elle semblait totalement ailleurs bien que son agitation disait le contraire.
La rouquine serrait les dents, la fièvre d'Antlia n'avait visiblement pas baissé et à la lumière du soleil elle se rendit compte de son état, ses cheveux étaient salis et son visage tout comme certainement le reste de son corps étaient recouvert de sueur. Elle n'avait jamais vu Antlia ainsi, habituée à sa prestance et sa joie de vivre.

Il lui fallait prévenir quelqu'un, mais d'abord...la soulager un peu. Changeant l'eau du récipient qu'elle avait utilisé la veille, elle revint avec la cuvette, une serviette propre et un morceau de tissu comme celui utilisé la veille. Elle passa le linge humide sur son visage tout d'abord, découvrant une bosse sur sa tête...Elle le passa ensuite dans ses cheveux, essayant de retirer au maximum la boue qui les imprégnait.
elle retira ensuite la couverture, découvrant le corps de son amie. Elles avaient été soldats toutes deux, Antlia comprendrait qu'elle n'avait pas le choix. Elle commença donc à la laver, débutant par le côté gauche, effaçant la sueur de son corps pour laisser place à la fraicheur, peut-être cela l'aiderait à combattre la fièvre.
Alors qu'elle passait au côté droit, elle se figea : le bras droit de l'Etoile était enflé au niveau du coude et de la tête du radius, des hématomes étaient présent...Une grimace d'Ald, elle connaissait ces signes...Le bras était cassé au niveau du coude...surement une conséquence de la chute.

Elle termina rapidement de la laver, puis l'essuya à l'aide de la serviette et remis la couverture sur son corps, retirant quelques mèches de cheveux de son visage. Ne t'en fais pas mon amie...ça va aller.
Elle se dirigea ensuite vers le bureau non-loin et pris la plume pour écrire deux missives courtes. Sur la première, on pouvait lire ceci :

Citation :

Baron,
Je ne puis vous détailler la situation, cela prendrait trop de temps...Sachez seulement que la Baronne est au plus mal, blessée et sans connaissance dans sa chambre. Elle murmure votre nom...Je vous en prie, venez à ses côtés la soutenir.
Bien à vous,
Aldraien.

Elle roula ensuite la missive et se pencha sur un autre parchemin, celui ci destiné à sa filleule.

Citation :

Appolline,
Mes craintes quant à la santé de ta mère se justifient...rejoins moi à sa chambre le plus vite possible je t'en prie. Il n'est plus question de voyage pour elle pendant un moment...
Affectueusement,
Ald.

Les deux missives furent rapidement portées à un domestique, qui eut pour mission de les mener à destination le plus vite possible.
Puis elle revint près d'Antlia et pris sa main dans la sienne, se penchant pour murmurer à son oreille : Ils arrivent, rassure toi...

Discrètement, elle s’était retirée dans le coin de la pièce pour les laisser la retrouver…enfin essayer de la retrouver plutôt…Ald serrait les dents, le cœur serré de ne pas pouvoir la ramener vers eux.
Elle détournait le regard, ce moment là leur appartenait à eux, pas à elle, elle n’avait pas le droit de s’immiscer entre eux.
Pourtant, au bout d’un long moment, lorsque le silence se fut installé dans la pièce, elle fit quelques pas en avant et posa sa main sur l’épaule d’Appolline, comme pour la rassurée alors qu’elle ne l’était pas vraiment elle-même. Un regard sur le Baron, puis une profonde inspiration.

Je ne suis pas médecin, mais j’ai pratiqué à l’Ost en tant que Barbier Chirurgien…Je ne sais pas soigner une fièvre, l’alléger un peu, peut-être…mais je ne suis pas sure que ce soit suffisant.
Il faut faire venir un vrai médecin, quelqu’un qui pourra vraiment la guérir. Son bras est cassé aussi…Plus question pour elle de monter à cheval pour un temps.

Je vais écrire à Lavoyageuse…je sais qu’elle est médecin de notre Duché, et certainement un choix plus judicieux que moi pour sauver la Baronne…
Pendant ce temps, Appolline, peux tu aller demander à des domestiques qu’un bain froid soit préparé pour la Baronne ? Pas trop froid tout de même…Ainsi qu’une tisane de verveine, ça devrait la soulager un peu.
Baron…veillez sur elle, enfin vous le faites déjà. Je vais écrire à Lavoyageuse.

Chose dite, chose faite presque aussitôt, elle se rendit à nouveau au bureau pour dénicher de quoi écrire et coucha rapidement quelques mots sur un parchemin.

Citation :

Dame Lavoyageuse,

Je ravale aujourd'hui ma fierté, non pour moi mais pour Antlia, afin de vous demander votre aide. En effet, la Baronne est souffrante, inconsciente depuis la veille au soir, un bras cassé et une forte fièvre la vidant de ses forces…Je vous en prie, venez nous rejoindre le plus rapidement possible en l’Hostel de MontDauphin afin de puiser dans votre savoir pour la guérir…

Bien à vous,
Aldraien.

Comme pour les missives précédentes, elle sortit de la chambre rapidement pour la confier à un messager et revint tout aussi rapidement au chevet de son amie pour la veiller. Réflechissant un instant, elle chercha un verre des yeux, une fois trouvé le remplit d'eau fraiche et s'approcha d'Antlia, la redressant légèrement de son bras, son autre main approchant le verre afin de la faire boire ou tout du moins lui humecter les lèvres. Puis elle reposa le verre, attendant patiemment l’arrivée du médecin, ou tout du moins celui d’Appolline avec les domestiques..

Regard tourné vers la porte qui s’ouvre et cette femme qui pénètre dans la chambre…Regard encore emplit de rancœur pour cette femme qui semblait avoir pris tant de plaisir à la descendre lors de son mandat de Commissaire aux Commerces alors qu’elle faisait de son mieux. Rancœur qui était pourtant profondément enfouie et qui venait de refaire brusquement surface, matérialisé par le poing serré de la jeune femme.
Les souvenirs sont parfois traitres lorsqu’ils sortent de la boîte où ils étaient enfermés et reviennent hanter la personne qui les a vécu. C’était le cas ici, le cœur de la jeune rouquine était d’un coup obscurci par la rage qu’elle avait ressenti alors, lorsqu’elle déposait sa démission du Conseil Ducal après un gros ras-le-bol.

Observant le visage de l’ancien Gouverneur, Ald ne put que constater une chose : la femme avait toujours ce même visage impassible, visage sans expression, regard sans sentiments…Mais pourquoi donc se cachait-elle à ce point ? De quoi avait elle peur ? Elle n’était plus Gouverneur, alors cacher ses sentiments…Ald ne l’avait jamais fait, de toute sa carrière à l’Ost, de toute sa vie même, elle n’avait jamais refusé de montrer ce qu’elle pensait ou de le dire clairement quand quelque chose n’allait pas.
Pourtant elles avaient été amies…avant. Avant que Voya ne change et ne devienne plus que le Gouverneur, oubliant la femme et ses sentiments.
Un instant, leurs yeux se croisent…Serait-ce une lueur de comment dit-on…de remords, qu’elle avait cru distinguer dans le regard de la Vicomtesse ? Elle le saurait peut-être, plus tard.

Plus tard oui, car l’heure n’était pas à ressasser de vieux souvenirs, mais plutôt à se concentrer et unir ses forces pour sauver Antlia.
Portant son regard vers son amie, elle fut prise de remords, comment pouvait elle penser à des souvenirs sans importances, à des disputes qui n’avaient pas lieu d’être alors que l’Etoile était allongée là, l’esprit on ne savait où.
Les premiers mots que Voya prononça la sortirent de ses pensées. « Je vais la soigner », oui il fallait qu’elle se ressaisisse, si elle lui avait écrit à elle, c’est qu’elle reconnaissait ses talents et son aptitude à sauver la Baronne, elle devait lui faire confiance.

Et c’est-ce qu’elle fit lorsque Voya lui demanda son aide. Deux pas en avant et Ald prit ce qu’elle lui tendait. Elle écoute rapidement ses instructions et hoche la tête pour lui montrer qu’elle a compris, en elle-même elle se trouve à cet instant extrêmement stupide de n’avoir pas pensé au framboisier, connu pour redonner force aux femmes enceintes et soulager les gorges irritées. Elle en avait d’ailleurs elle-même utilisé lors de sa première grossesse, c’était d’ailleurs Nad qui lui en avait procuré, à l’herboristerie…Que ce temps paraissait loin. Enfin, là encore n’était pas la question, elle s’occupa de mélanger les feuilles de framboisier avec les framboises puis, après avoir fait chauffer de l’eau, en versa sur le mélange.
Quelques minutes encore à attendre et l’infusion fut prête. Bouillante, Antlia n’aurait pas pu la boire ainsi, aussi, elle s’approcha, posa la tasse sur la table de chevet de l’Etoile et se tourna vers Voya qui examinait le bras.

Je pense qu’elle s’est fait cela en tombant…Si je ne me trompe pas, son coude a du heurter violemment le sol lorsqu’elle a chuté, je songerais à une fracture, soit du coude… Elle montre l’endroit du doigts, soit de l’avant-bras, auquel cas, deux os sont touchés puisqu’il y en a deux ici. Elle montre à nouveau l’endroit un peu plus bas.
Regarde ici, elle montre la tête du radius, l’endroit est enflé, quelques hématomes présents. Il faudrait tenter de lui faire bouger le coude pour en être totalement sure, mais je pense qu’il s’agit plutôt d’une fracture du coude….

Enfin, je pense que tu t’en doutais, je voulais juste t’exposer mon raisonnement pour voir si nous étions du même avis…Je pense qu’il faut lui immobiliser le bras complètement comme tu l’as dit, mais le coude fléchi… Regard vers Antlia puis vers la tasse, pour finir sur Voya. Veux-tu bien tenir sa tête pendant que je lui fais boire l’infusion s’il te plait ? Elle doit avoir assez refroidit à présent pour qu’elle ne se brûle pas la langue..