Deux femmes, des armes....

Laura avait suivi la jeune Appoline dans le dédale de couloirs, jusqu'à tomber sur la salle d'arme où elles allaient passer majorité de leurs rencontres. Elle entra dans la pièce avec des yeux ébahi. Les salles d'armes, elle en avait l'habitude, mais jamais elle n'avait vu de salle d'armes aussi décorées. Ici, on ressentait l'appel des armes et l'envie de suer.

Nous y voici, vous pensez que cela ira?
Assez grand?

Laura hocha la tête, mettant quelques secondes à retrouver la parole. Ca ira largement, en effet. Un bruit de paille agité, et la jeune femme attrapait déjà un pantin de paille quelque peu utilisé.

Bon il est un peu abimé je ne vous cache pas que j'ai commencé l'entrainement seule et que c'est lui qui en a fait les frais.

Le maistre d'armes lui rendit son sourire, son regard ne cessant de détailler le pantin et les coups qu'il avait reçu. Ce n'est pas bien grave, il ne nous sera pas utile. Elle tapota la tête du pantin, puis ses yeux azurés plongèrent dans ceux d'Appolline. J'espère simplement que vous n'avez pas tapé dessus avec la première arme que vous aviez sous la main. Tandis qu'elle parlait, elle ôta son gilet afin de ne pas l'écorcher, révélant une blouse en coton de couleur écrue, bien plus pratique pour l'entraînement. Elle tira ses cheveux en arrière et les attacha à l'aide d'une lanière de cuir, puis se dirigea vers le râtelier des armes, faisant signe à la jeune femme de la suivre. Elle prit un ton interrogateur, prenant soin de tutoyer la jeune femme.

Alors Appolline, quelle est ton épée ?

Je n'ai pas encore d'épée, je me sers de celles ci lorsque je veux m'entrainer et lors des combats...

Laura haussa les sourcils d'effarement, puis regarda les épées présentes.
C'est un grave problème. La première chose que tu devras savoir, c'est qu'un combattant a sa propre épée. Ils sont indissociables.
Bah les combats on arrive toujours trop tard alors bon...

Laura regarda la jeune femme avec un air solennel, celui qu'arbore quelqu'un d'expérimenté qui s'adresse à un novice. N'en sois pas déçue. Ils arriveront bien assez tôt, et avec eux leurs tourments, crois-moi. Son regard se perdit dans la contemplation de quelques souvenirs désagréables, qui pourrait passer pour l'examen des armes présentées.

Mon arme préférée est cependant la dague, j'aimerais que vous m'appreniez tous les maniements possibles. Laura abandonna ses pensées pour revenir à la jeune femme, avec un sourire satisfait. C'est aussi mon cas ; mais faire le tour de tous les maniements possibles d'une dague ne nous prendra qu'une simple matinée, tout au plus. Par contre, apprendre tout la finesse de combattre avec une dague, cela nous prendra des journées entières. On y passerait des années que le nombre de possibilités nouvelles s'étendrait encore devant nous comme s'il fallait détailler un fleuve en chaque goutte d'eau qui le compose.

Je veux devenir aussi bonne guerrière que mes parents, je suis preste à travailler dur pour cela, à y passer le temps qu'il faudra et il se dit que vous estes un excellent maistre d'armes.
Je vous confie donc tous mes espoirs en cet art.

Laura poussa un soupir et parla d'un ton bas, semblable à celui de la confesse. Comme trop souvent, les "on-dit" dépasse la vérité. La blessure - elle dévoila son épaule droite en tirant sur le col de sa blouse et la cicatrice blanche qui l'agrémentait - qui m'a été infligée a considérablement réduit mes mouvements. Pour ce qui est de combattre, on a ça dans le sang, et au vu de ton ascendance, il est certain que tu es bien lottie. Elle marqua une pause, puis répondit avec détermination. Je vais tâcher de réaliser tes espoirs, Appolline.

Laura empoigna une épée parmi la multitude exposées ici, la soupesa quelques instants au bout de son bras puis se tourna à nouveau vers Appoline. Je vais donc commencer par t'apprendre les rudiments de la dague. Elle jeta un oeil à l'épée puis anticipa une question. Non, elle va servir à rien. C'est juste pour m'occuper. Elle adressa un sourire à la jeune femme, puis posa la question qui ouvrirait sur la première leçon.

Dis-moi quel est selon toi le principe du combat à la dague ?

Laura fit faire quelques moulinets à l'épée qu'elle tenait alors que la jeune femme parlait du combat à la dague. Elle opina du chef à ses dires. Je te remercie de croire autant en moi. Léger sourire, puis elle se retourna et reposa l'épée parmi les autres. Lorsqu'elle reprit la parole, ce fut pour lui parler de la dague. En effet, se servir d'une dague repose sur la rapidité et la réflexion. Cependant, malgré mes propos qui se révèlent trompeur, il n'existe pas de combat à la dague à proprement parlé.

Elle marqua une pause, prit une inspiration, puis reprit. La lame de la dague, sa finesse, sa forme n'en fit pas une arme de confrontation. Il est possible de parer un coup grâce à elle, et encore seulement en emmenant la lame contre la garde de l'épée ennemie. Une telle proximité est très rare lors d'un combat ; souvent, l'un des deux combattants tombe bien avant d'en arriver à ce point.

En réalité, pour tuer à la dague, on doit utiliser son épée non comme une arme, mais comme un outil. Je m'explique. Quand tu vas te retrouver face à l'ennemi, ton but sera de percer sa défense. Pour arriver à cela, il va falloir exercer ta capacité à le surprendre. Elle marqua une nouvelle pause, laissant flotter ses paroles pour son élève. N'importe quel abruti avec une main peut manier une épée et s'en servir. Par contre, il n'est pas préparé à combattre un autre homme. Quand je parle de combattre, il ne s'agit pas d'attaques physique et de simplement lui porter des coups en espérant que l'un d'eux fasse mouche à force de tentatives. Un bon combattant connaît son arme, et apprend à rapidement connaître celle de son ennemi. Elle attrapa une des épées présentées.

Un exemple : une épée courte, comme le fauchon - c'est l'épée dont je me sers - se manie à une main. Elle est dotée d'un tranchant et d'un contre-tranchant avec une cassure d'arrêt à proximité de la pointe. Si on analyse attentivement ses caractéristiques, on arrive à en deviner les forces et les faiblesses. Cette arme permet de frapper plus fort, puisque plus courte, la puissance développée en pointe est supérieure à une lame plus longue. De plus, on contrôle bien mieux la cinétique de la lame, ce qui fait que si je donne un coup dans le vide, je me fais bien moins emporter par son poids et sa vitesse. En contrepartie, une lame plus courte procure une allonge plus réduite, ce qui t'obligerait à te rapprocher davantage de ton adversaire s'il possède une lame plus longue. Quand on regarde la forme de sa lame, on comprend que cette arme est bien plus profilée pour des attaques de fer que des attaques d'estoc, ce qui oblige naturellement à adapter son style de combat en rapport à l'adversaire et la lame qu'il possède, de manière à créer des ouvertures te permettant de frapper de fer. Elle reposa le fauchon et attrapa une autre épée, bien plus longue. Le fauchon possède bien sûr d'autres finesses, mais nous les aborderons bien plus tard.

Maintenant, voici une épée longue, une claymore, arme de prédilection de votre famille je crois. Sa lame est bien plus longue, ce qui va t'offrir une bien meilleure allonge et te permettre de tenir ton ennemi à distance s'il se bat avec une lame plus courte. Son profil en fait également une arme parfaite pour l'estoc. Mais, comme pour le fauchon, sa longueur va affecter sa cinétique. Tes réactions seront plus lentes, et la puissance moindre sur le premier tiers du côté de la pointe. Mais cette puissance est suffisante, puisqu'en raison de son allonge et du fait qu'elle frappe d'estoc, tu peux te permettre de créer une ouverture plus petite. Elle marqua une pause, bien plus longue, afin de dégluttir et de rassembler ses esprits.

Mais la longueur de la lame n'est pas la seule chose en prendre en compte dans une épée. Je ne vais pas encore te passer tout en détail, nous y reviendrons en temps voulu, et tu en apprendras beaucoup par toi-même au travers des gouttes de sueurs, des courbatures et des bleus. Retiens au moins les trois caractéristiques fondamentales d'une épée : sa longueur, son poids et son équilibre. Tu vas me dire, "et quid de la dague là dedans" ; et tu aurais parfaitement raison. La dague vient en réalité se glisser au sein d'un combat. D'ores et déjà, il est impossible d'utiliser une dague avec une épée longue, car elle se manie toujours à deux mains. Certains combattants aguerris arrivent à manier une telle épée avec une seule main et une arme d'appoint... Mais ne te fais pas d'illusions, j'en ai connu très peu ayant la force et l'endurance nécessaire, tous étaient des hommes, et tous sont morts aujourd'hui.

Son regard s'assombrit légèrement à ces souvenirs. Elle se reprit rapidement pour continuer. Quoiqu'il en soit, la dague se manie en conjugaison avec une épée à une main. L'épée à une main va te permettre de créer une ouverture, je vais pas revenir cent fois là dessus, et la dague devra plonger dans cette ouverture. Grosso modo, on ne peut frapper que de deux façons avec la dague. Soit tu frappes d'estoc et tu la plantes dans ton adversaire, dans le but de le tuer ou de le blesser grièvement, soit tu frappes de fer, de la pointe généralement, afin de le blesser plus ou moins sérieusement. C'est assez pratique quand tu souhaites garder ton ennemi en vie. Le secret de la dague, c'est la surprise. Elle doit surgir, frapper et atteindre son but. Le point faible de la dague, c'est que quand tu as porté ton coup, tu ouvres très largement ta défense. Si tu te rates et que ton ennemi est prompt à réagir, tu as perdu. Si tu rates le point à frapper et que tu ne lui infliges pas les dégâts nécessaire à le surprendre, voire le pétrifier, il aura tout le temps de porter un dernier coup. Il n'y a pas de victoire sans vainqueur...

Quand on a une dague, on combat avec sa tête. Et je ne te parle pas simplement de combattre ou d'analyser son adversaire. Il te faut connaître les points à frapper avec une dague pour pousser ton ennemi à la stupeur et te laisser le temps de remonter ta défense. Laura regarda la jeune femme avec sérieux. As-tu une idée des principaux points du corps à frapper pour arriver à ce résultat ?

Appolline allait répondre lorsqu'Azure se présenta, ouvrant la porte avec bruit, semblant génée.
Elle baissa la tête et s'approcha d'Appolline, lui murmurant quelques mots.
Au fil des mots l'expression de la jeune Kennedy changeait, ses traits se durcissant de manière impressionnante tant le changement se faisait radical.

Son léger sourire habituel disparu en premier tandis que ses yeux observaient Laura.
Son oreille quitta les confidences de son ancienne nourrice, tandis qu'elle posait de nouveau ses yeux sur le maistre d'armes.

Son regard s'était terni et on pouvait y lire déception et dépit.
Elle se racla légèrement la gorge.
Je pense, dame ce mot était employé avec tant de froideur que cela ne ressembla pas à la jeune Appolline. que nostre entrainement prend fin ce jour... Mon âme à tendance vassalique vient d'estre déçue....
Je vous laisse au besoin voir avec ma mère, moi je préfère ne pas en parler...

Elle se tourna, sans plus un mot, terriblement excédée par les mots qui lui furent rapportés et quitta la pièce promptement.


(désolée du retard, pour la cohérence cf gargotte, un maitre d'armes qui critique les conseillers élus est impossible.)